CHAPITRE XXVII

Corran regardait par la fenêtre du centre de loisir de la base de Noquivzor. Les collines et les plaines verdoyantes s’étendaient à perte de vue.

Si Erisi n’était pas en train de flotter dans le meilleur bacta produit par sa famille, je lui aurais proposé une promenade dehors. Même s’il paraît difficile de prendre plaisir à quelque chose en ce moment.

Un homme en uniforme d’infanterie posa une chope de lum devant lui. Corran se força à sourire.

— Merci, lieutenant. Que me vaut l’honneur ?

— Je m’appelle Page. La boisson est pour vous remercier. J’étais sur le Devonian. Vous et votre co-équipier, vous nous avez sauvés. Nous avons une dette envers vous.

— Je vous remercie. Mais il faudra aussi offrir un verre à Ooryl quand il sortira de sa cuve bacta.

— Avec plaisir. Son état est-il grave ?

— Il a perdu l’avant-bras droit. Sa combinaison s’est scellée autour de la blessure, lui évitant de s’asphyxier. Mais les droïds médicaux ne savent pas s’ils pourront lui fabriquer une prothèse. Ils n’en ont jamais fait pour des Gands.

— L’Escadron Rogue a été durement touché.

— Deux morts, trois pilotes hors véhicule, et un blessé qui a continué à voler.

— Ah oui, le Shistavanen.

— C’est un dur. Shiel ne voulait pas se rendre au centre médical, mais Gavin l’y a obligé. Résultat net, nous sommes aux deux tiers de nos forces de départ. Si nous trouvons des ailes X pour remplacer celles qui ont été détruites.

— Cette mission était pourrie dès le début.

— J’ai compris une seconde avant que les canons démolissent le Modaran. Qu’ils n’aient pas encore tiré ne signifiait pas qu’ils en étaient incapables !

— Kre’fey n’a jamais envisagé cette hypothèse. Il voulait conquérir Lunenoire afin que le Conseil lui confie l’invasion de Coruscant. Dans trois semaines, la planète subira une pluie de météores. Je voulais m’en servir pour dissimuler le débarquement d’un commando. Nous aurions pu démolir les canons ioniques.

— Pourquoi ce plan n’a-t-il pas été approuvé ?

— Trop dangereux, à cause de la présence de la lune du système dans notre vecteur d’entrée et de sortie. Mais nous aurions trouvé la base des escadrons de Tie qui ont surgi de nulle part.

— Les Bothans n’étaient pas informés de leur présence.

— Ils auraient dû ! Ils sont très forts pour s’infiltrer dans les réseaux de communications impériaux.

— Pas cette fois. Sauf si ces vaisseaux ne sont pas enregistrés dans la garnison officielle.

Page fronça les sourcils.

— Que voulez-vous dire ?

— Il est possible que l’Empire ait ignoré la présence de ces intercepteurs. Il se peut que le responsable de Lunenoire – quel que soit son nom véritable, et je doute qu’on nous le communique un jour ! – conduise une opération dont ses maîtres ne sont pas au courant.

— Les Bothans ne pouvaient pas dénicher l’information, puisqu’elle ne se trouvait pas dans les dossiers officiels, comprit Page. Mais nous aurions pu la découvrir en débarquant sur place.

— Nous avons désormais une idée des défenses réelles de Lunenoire. Deux escadrons de Bourdons et un générateur sont dissimulés quelque part…

Cachés de nous et des Impériaux.

— Oui. Et ça signifie que…

Le comlink de la table interrompit la phrase de Corran.

— Horn.

— M3, monsieur.

— Un problème avec Ooryl ? Ou les autres ?

— Non, monsieur. Whistler m’a demandé de vous informer qu’il a fini ses calculs sur les courants aériens.

— Quels courants ?

— Sur Lunenoire, monsieur. Il dit qu’il a découvert des choses très intéressantes.

Wedge n’en croyait pas ses oreilles.

— Général Salm, vous venez vraiment de dire qu’il vaut mieux que nous ayons échoué ?

Le général posa son verre de cognac bleu Abrax.

— Les Renseignements nous ont indiqué qu’un superdestroyer impérial, l’Éviscérateur, arriverait sur Lunenoire six heures après le début de notre attaque. Nous aurions perdu la base, et nos troupes par-dessus le marché.

— La mission a été autorisée dans ces conditions ? Comment est-ce possible ? Et comment Cœur de Glace a-t-elle su où nous serions ?

— Un hasard heureux pour elle. Ou quelqu’un lui a révélé notre destination…

— Tycho ne la connaissait pas plus que nous.

Salm leva la main.

— Du calme, commandant. Je n’accusais pas votre second. Il est vrai que je n’ai pas confiance en lui, mais je sais qu’il est innocent.

— Vous avez vérifié les enregistrements le concernant ?

— Je vérifie les enregistrements sur tout le monde. Moi-même, j’ignorais notre destination jusqu’au moment de partir. Je pensais que c’était le cas pour les autres. Mais une fuite est toujours possible.

Le général posa son verre et s’approcha du cabinet à liqueurs.

— Un verre de cognac, commandant Antilles ?

— Appelez-moi Wedge. Quel millésime, le cognac ?

Salm sourit.

— Je l’ignore. Mon assistant l’a acheté au marché noir. Toutefois, la bouteille porte un hologramme fiscal datant de l’Ancienne République.

— Dans ce cas, je veux bien le goûter.

— Asseyez-vous.

Salm lui servit une ration généreuse d’alcool.

Les quartiers de Salm étaient sommairement meublés. Des caisses de munitions servaient de table. Le mini-bar était une boîte à casque en plastacier. De vieux sièges éjectables complétaient le décor.

— Merci d’être venus à notre secours pendant la mission.

— Les Défenseurs paient leurs dettes.

Ils trinquèrent. La chaleur de l’alcool se répandit dans l’estomac de Wedge et chassa une partie de sa fatigue.

— Je voulais vous demander ce que vous allez mettre dans votre rapport, au sujet de ce que j’ai fait.

Wedge eut du mal à cacher sa surprise.

— Vous avez sauvé mon unité…

— Je ne parle pas de ça, mais du fait que j’ai désobéi à un ordre.

— Si vous aviez rallié le Mon Valle, tous vos pilotes auraient péri dans l’explosion de leurs vaisseaux.

— Oui, mais nous ne le savions pas au moment où l’ordre a été donné. Le général Kre’fey et moi sommes souvent en opposition. Vous avez dû vous en apercevoir lors du briefing. Quand il m’a ordonné de quitter le système, je me suis placé sur un vecteur de sortie en approchant mon unité de l’Émancipateur.

De cette façon, je pouvais prétendre que sa masse nous avait empêchés d’atteindre la vitesse-lumière. Mais les ordinateurs de bord révéleront la vérité.

— Si on m’avait donné le même ordre, et si j’avais pensé à cette astuce, j’aurais fait comme vous.

— Je sais. C’est bien là le problème, commandant. J’ai agi comme vous l’auriez fait. Mais je ne suis pas vous. Mes hommes ne sont pas aussi… flamboyants que les vôtres. Nous compensons par notre sens de la discipline. Et j’ai désobéi à un ordre.

— Ça a marché. Vous avez sauvé mon escadron.

— Peu importe ! J’ai désobéi, et c’est ce que vous indiquerez dans votre rapport.

— Je ne veux pas que vous soyez blâmé pour un acte qui a donné des résultats positifs.

— Ce n’est pas à vous d’en décider, Wedge. Seuls l’amiral Ackbar et le Haut Commandement peuvent m’absoudre. Faites votre rapport en racontant exactement ce qui s’est passé. Je sais que le Haut Commandement aura pas mal de questions à poser avant que de nouvelles opérations soient envisagées dans ce secteur de l’espace.

La porte de la cabine s’ouvrit. Avant que Salm ait pu dire quelque chose, Corran Horn entra, suivi par un lieutenant d’infanterie.

— Commandant, vous n’allez pas y croire…

Corran s’interrompit quand il vit Salm.

— Je vous demande pardon, général.

— Repos, lieutenant Page, lieutenant Horn. Que signifie cette intrusion ?

— M3 m’a dit que le commandant se trouvait dans cette cabine, monsieur. Il n’a pas cru bon de préciser qu’il s’agissait de vos quartiers.

Salm regarda Wedge.

— Vos officiers font irruption chez vous sans attendre que vous les y invitiez ?

— Pas jusque-là. J’ai peut-être besoin de leur inculquer un peu de la discipline dont vous parliez tout à l’heure. Bien, Horn, j’espère que votre intrusion a une bonne raison ?

— Oui, monsieur. Si le général permet… ?

— Allez-y.

Corran sourit.

— Si nous voulons Lunenoire, elle est à nous.

— Comment ?

— Whistler, mon astromech, a collecté des données et il les a analysées avec les programmes que nous utilisions à la CorSec pour découvrir les bases des contrebandiers.

— Nous parlons d’une base impériale, pas d’un repaire de contrebandiers.

— Je vous demande pardon, monsieur, intervint Page, mais le droïd a trouvé de nombreux points communs entre les deux. Whistler a également découvert l’emplacement de Lunenoire sur la carte stellaire et il s’occupe de récupérer les données que nous n’avons pas eues lors du briefing.

Wedge secoua la tête.

— Bon travail, messieurs. Mais il nous faudra ajouter à l’équation un superdestroyer Mark II. Ça change tout.

Salm leva la main.

— Peut-être pas, commandant.

— Non ?

Le général croisa les bras.

— Qui est au courant de ce que vous venez de nous apprendre ?

— Pour autant que je sache, général, seulement Page, mon R2, le 3PO de l’unité et moi.

— Assurez-vous-en. Je vous demande de garder le secret le plus absolu. Maintenant, voyons ce que vous avez découvert. Lunenoire a été choisie parce qu’elle est une voie royale vers Coruscant. Aucune raison d’abandonner notre plan si nous n’y sommes pas forcés…